Belles de jour et noctambules, bienvenue…

Est-ce qu’on marche sur la tête?

Question posée par Isabelle Giordano, à l’un de ses invités, lors de l’émission Service Public, mardi 14 décembre, à propos des travailleurs pauvres. Elle est gentille, Isabelle, et a beaucoup de charme mais il faut reconnaître qu’en tant que journaliste, elle n’est pas très pugnace. Est-ce qu’on marche sur la tête? Franchement, c’est un peu court, jeune fille! On aurait pu dire, ô dieu, bien des choses en somme. Par exemple tenez : pourquoi tout augmente sauf les salaires? est-il tolérable de travailler et de ne pas pouvoir en vivre? qui sont donc ces financiers qui nous marchent sur la tête? comment réduire l’importance de l’économique dans nos vies? faut-il supprimer la spéculation? pourquoi, lors des élections, n’avons nous le choix qu’entre deux incompétents? comment lutter efficacement contre ces politiques qui réduisent notre niveau de vie, notre liberté et tous nos espoirs? faut-il appeler le réparateur pour l’ascenseur social? à qui profite l’euro? Et je pourrais en aligner encore des centaines comme ça… Quand les journalistes vont-ils donc arrêter la complaisance et sortir enfin bec, griffes, dents, ongles pour attaquer les puissants par tous les versants? Isabelle, un conseil: sort de la Maison Ronde de temps en temps…

La citation du jeudi, a Chiffonnette’s idea…

… citation!

Car quoi d’autre, dans la vie, si ce n’est suivre la voie qui vous apporte du plaisir et vous intéresse, sans regarder au coût ni à la perte, mais en se délectant de ces choses qui sont désirables et font votre bonheur.

Extrait de Longue Sécheresse, de Cynan Jones.

La citation du jeudi… liste des participants chez Chiffonnette bien sûr!

Ma vie était à l’intérieur des livres.

Depuis que j’ai su lire et même avant. Lorsque je baignais au paradis des images.

Quand parfois, je me sentais étouffer sous la pression des parents ou de l’école, il me suffisait d’ouvrir un livre pour pouvoir respirer. Je m’endormais même avec, comme d’autres serrent des peluches…

Anne Percin, L’âge d’ange.

Un très beau livre sur l’adolescence que je vous recommande vivement et qui vous arrachera sans doute quelques larmes d’émotion. Anne Percin est une auteure à suivre… Vous pouvez visiter son blog ici.

C’était la Citation du Jeudi… une idée de Chiffonnette.

Il est cent façons de mourir

Pour vivre on est beaucoup plus sage

Il s’agit de savoir moisir

Entre l’espoir et le fromage

Georges Perros, Poèmes bleus

La citation du jeudi, sur une idée de Chiffonnette

La terre houleuse fulmine. Dans la lumière pâle de ce matin d’hiver, la campagne s’éveille sous des hordes de brume qui glissent au ras des champs et accrochent la cime des arbres. Une voiture passe de temps à autre, son bruit ricoche longtemps dans la vallée. Mes pas écrasent l’herbe mouillée sur le bord du chemin. Je ne sais pas encore où je vais. A l’est, un soleil paresseux embrase les reliefs de son éclat blanc et déjà la pierre brute des maisons semble chercher les chiches rayons du levant. C’est l’heure où l’ombre est noire et humide comme une cave. Le car déboule au détour du virage. Il vient chercher les enfants qui attendent l’heure de l’école, un peu plus loin, tous massés au bord du trottoir pour profiter d’une petite tranche nette de lumière. Les mères tiennent les plus petits contre elles pour chasser de leurs épaules le froid glacial qui se répand. L’heure la plus froide, c’est une demi-heure après le lever du soleil.

Il faut vivre dans cette campagne fruste et humide pour comprendre à quel point, même un rayonnement infime peut changer le cours de la journée. Voilà, déjà le car repart dans un grondement, les petits visages à peine visibles derrière la buée des vitres. Je monte à l’assaut de la colline. Mon chien me suit en frétillant. J’ai toujours aimé être dehors, au contact de la nature et du vent mais jamais cela ne m’a paru vital comme maintenant. Ma maison est devenue une cage dont je m’échappe régulièrement, un fardeau de solitude compacte. Trop de silence entre ses murs épais, même la musique n’y peut rien. Si j’y reste, je vais devenir fou à force de guetter par les fenêtres nues un visage connu, un sourire de connivence, un peu de cette chaleur humaine qui fait tant défaut. Ici les gens sont taillés dans l’hiver : rudes, méfiants et froids, calfeutrés dès la nuit tombée dans la chaleur rance de leurs intérieurs. C’est comme s’ils n’avaient rien à dire, comme si leur vie était si absurde que ça se passait de mots…

Alors je marche. Vu d’en haut, je suis un simple petit mouvement de compas sur les chemins qui maillent les collines. Je ne veux pas sombrer, à mon tour, dans ce vide. Au moins, entre les arbres et les buissons, la vie va, vole et chante. Une mésange bleue et jaune, un rouge-gorge solitaire. Là, le ruisseau qui coule avec ses petits bruits qui font comme des sourires dans le silence désert de cette campagne immobile. Dans les vergers, quelques pommes rouges et piquées font une concurrence discrète au soleil. Entre les herbes hautes, un frôlement, soudain… Mon chien se précipite et revient, plus tard, bredouille, la truffe et le poitrail humides. Je pose un instant ma main sur sa tête large, sa bonne grosse tête de chien aimant.

Alors je sais que je vais partir. Ces balades au long des chemins ne sont que la répétition de ce prochain envol. Je ne le comprends que maintenant. Je vais quitter cette terre grasse qui alourdit mes pas. A mes pieds, tombera bientôt le manteau de silence qui depuis si longtemps alourdit mes épaules. Je laisserai derrière moi le soleil froid. J’irai vers un ailleurs. Un ailleurs qui ne sera ni meilleur, ni moins bien, simplement différent.

Et lentement, j’essaierai de l’apprivoiser.

Vous souvenez-vous de ce sonnet de du Bellay, sans doute vu, lu et peut-être appris quand vous étiez au collège :

Seigneur, je ne saurais regarder d’un bon oeil
Ces vieux singes de cour, qui ne savent rien faire,
Sinon en leur marcher les princes contrefaire,
Et se vêtir, comme eux, d’un pompeux appareil.


Si leur maître se moque, ils feront le pareil,
S’il ment, ce ne sont eux qui diront du contraire,
Plutôt auront-ils vu, afin de lui complaire,
La lune en plein midi, à minuit le soleil.


Si quelqu’un devant eux reçoit un bon visage,
Ils le vont caresser, bien qu’ils crèvent de rage:
S’il le reçoit mauvais. ils le montrent au doigt.


Mais ce qui plus contre eux quelquefois me dépite,
C’est quand devant le roi, d’un visage hypocrite,
Ils se prennent à rire, et ne savent pourquoi.

Je ne sais pourquoi, en regardant nos grands journalistes français interviewer notre grand président français au début de la semaine, ces mots me sont revenus à l’esprit.

En surfant ici et là, j’ai vu qu’on parlait de l’attitude du président, de ses effets d’annonce ( à croire que c’est sa spécialité), de sa petite mine mais personne pour s’extasier sur ces trois grands journalistes français qui font leur travail comme personne (celui qui dit « heureusement » est renvoyé!). Le temps de cinq minutes (je n’ai pu en souffrir davantage), je n’ai pu que me répandre en louanges sur leur pugnacité, leur aptitude sans pareille à aller au bout de leur questionnement en obligeant l’homo politicus à cesser sa langue de bois, sur leur volonté d’aborder les sujets qui fâchent, sur leur intrépidité à s’opposer au puissant. Oui, c’était vraiment un beau spectacle. Trois beaux singes de cour qui finiront bossus à force de se courber devant le pouvoir. C’est tout ce que je leur souhaite…


C’est en écrivant que cela arrive. Un sentiment mêlé de tout, comme du feuillage avec la pluie. C’est une joie qui nous arrive et nous rend malheureux. Elle nous vient de ce chant qui s’élève de l’enfance, qui y retourne. C’est pour l’écouter que l’on écrit. C’est pour écouter le chant si pur de la baleine aux yeux verts. Elle chante le vent qui passe, la rose qui brûle, l’amour qui meurt.

Christian Bobin, in La part manquante.

La citation du jeudi, une idée de Chiffonnette.

Le seul mal au monde est celui qui niche chez les gens, dans leur orgueil, leur avidité, leur devoir. Rappelle-toi ça.

in Un bûcher sous la neige, Susan Fletcher, Plon.

Retrouvez les autres paticipants à la Citation du Jeudi chez Chiffonnette.

Pour une fois, je participe à l’atelier d’écriture de Skriban. La rupture… voilà un thème qui m’a inspirée. Pour le meilleur? Peut-être pas…

Ma chère France,

je te quitte. Tout est fini entre nous. Mon billet pour Sydney m’attend dans la pochette intérieure de mon sac de voyage. Tu ne comprendras sans doute pas que je te quitte si brutalement, pourtant il le faut bien. Tu m’écœures.

Oui, je vais aller vivre dans ce pays où pullullent les arrières-arrières-arrières-petits-enfants de bagnards et de catins et je les préfère désormais à ton soi-disant esprit des Lumières, à tes droits de l’Homme qui n’existent plus que dans les manuels d’histoire. Je dois t’avouer que déjà, en 1940, j’avais eu quelques doutes sur tes valeurs : la liberté, l’égalité et la fraternité s’étant pour quelques années envolées en fumée… Mais las, m’étais-je dit, la guerre et la peur pouvaient expliquer bien des choses… Je t’avais pardonné ce moment d’égarement, criminel, certes mais compréhensible.

Depuis quelques années, tu as changé. Pour le pire. Tu es devenue grossière et paranoïaque, capricieuse et ne respectant plus ni les usages ni les bonnes manières. C’est simple, tu ressembles au petit enfant mal élevé qui te gouverne du haut de ses talonnettes. A croire que ce brimborion t’a envoûtée… Couchée avec les poules, portes et volets barricadés, tu t’enfermes dans des fantasmes de peur et, dès que tu es en tête à tête avec Pujadas, tu diabolises l’étranger. Tu as peur du noir, dis-tu… Eh bien, rallume tes Lumières dans ce cas!

Toi si fière de ta cuisine, de tes bons vins, te voici passée à l’ennemi Ronald qui prolifère et sape les papilles de tes enfants chéris, les transformant peu à peu en petits hamburgers sur pattes. L’ogre a changé de visage et désormais, c’est l’industrie agro-alimentaire qui, par un curieux retournement, dévore tes enfants…

Toi si choyée des dieux, avec tes vallons, tes collines, tes côtes ourlées d’écume, tes montagnes de géant, te voilà transformée en niche fiscale, en paradis de la productivité, en fief pour patrons arrogants avec service de sécurité musclé. Tu biométrises, il carte de séjour, nous charterisons… Elle est devenue bien étrange, ta grammaire française!

Je ne te reconnais plus. Non, tu as bien changé. Tu veux faire de tes enfants des consommateurs et quand ils résistent, tu les mets en prison. Tu ne supportes ni les critiques ni la contradiction et bientôt, tu auras corrompu tous les penseurs, les journalistes, les intellectuels ou bien tu les auras contraints à l’exil. Et tu resteras seule, devant ton vieux miroir piqué, à constater sur ton visage ravagé les effets du temps et de tous ces sentiments morbides que tu aimes éprouver…

Tu pues, ma chère France. Ton aigreur se diffuse autour de toi tel un poison. Tu es devenue vieille et laide, une petite dame qui se terre dans son appartement bourgeois, derrière sa porte blindée et son visiophone sophistiqué, en regardant passer le monde à la télé.

Alors adieu. Je pars le cœur léger… je sais que tu n’essaieras pas de me retenir… La France, tu l’aimes ou tu la quittes, non?

Jour sans plaisir ne fut pas tien :

En lui tu ne fis que durer. Ce que tu vis,

Sans en faire ton plaisir, tu ne le vis pas.

 

Nulle importance que tu aimes, boives ou souries :

Il suffit d’un reflet de soleil en allé sur l’eau

D’une flaque, s’il fait ton agrément.

 

Heureux celui-là qui dans les choses infimes

A placé son plaisir : nul jour ne lui dénie

Sa part de bonne aventure.

 

Fernando Pessoa, Odes.

Sur une idée de Chiffonnette. Pour connaître la liste des participants, allez faire un tour sur son site…